Jean Krakowiecki

publiées le 1er août 2010
mise à jour le 16 avril 2018

Stress et nutrition

Stress, activation sympathique et métabolisme des aliments

Parmi les facteurs neuro-hormonaux augmentés au cours d'une situation d'agression ou d'un stress, les glucocorticoïdes et l'activation du système nerveux sympathique tiennent une place importante. Des études récentes suggèrent l'impact de l'ocytocine dans la régulation de la réponse au stress.

L'activation du système adrénergique et l'augmentation de la sécrétion de cortisol ont été de longue date démontrées au cours de situation d'agression ou de situation stressante.
Les glucocorticoïdes influencent la régulation pondérale. Ils réduisent la captation de glucose par le muscle et favorisent l'insulinorésistance. Des études récentes montrent que les glucocorticoïdes ont également un impact sur les neuro-médiateurs de la prise alimentaire.
Chez le rat, une infusion centrale de dexaméthasone stimule la prise alimentaire et conduit à une prise pondérale. Cet effet associé à l'hyperinsulinémie secondaire à l'insulinorésistance stimule la lipogenèse et l'accumulation des graisses.

Les glucocorticoïdes favorisent le stockage des graisses.

L'impact des glucocorticoïdes sur la prise alimentaire passe en partie par le neuropeptide Y, synthétisé au niveau hypothalamique et puissant stimulant de la prise alimentaire. Par ailleurs, le neuropeptide Y augmente la production d'insuline et le stockage de graisses de réserve. Chez le rat, les glucocorticoïdes favorisent la prise pondérale induite par le neuropeptide Y.

A l'inverse, la leptine produite par le tissu graisseux agit comme facteur de satiété au niveau de l'hypothalamus et a des effets opposés à ceux du neuropeptide Y. Mais, toujours chez l'animal, les glucocorticoïdes s'opposent aux effets protecteurs de la leptine et favorisent in fine la prise pondérale.
Il semble donc les glucocorticoïdes agissent directement sur l'homéostasie énergétique et la régulation de la prise alimentaire. Une stimulation chronique de l'axe corticotrope en cas de stress pourrait générer une prise pondérale.

L'ocytocine s'oppose aux effets du stress.

L'ocytocine est une hormone synthétisée par l'hypophyse postérieure, responsable des contractions de l'utérus après l'accouchement et du muscle lisse mammaire au cours de la lactation. Les actions centrales de l'ocytocine sont moins bien connues ; elles concerneraient le comportement maternel de l'animal. L'ocytocine pourrait être impliquée dans un réflexe psycho-neuro-endocrinien chez la femme. Elle module les fonctions de l'hypophyse antérieure et interagit avec l'axe corticotrope.

Une perfusion d'ocytocine diminue la production d'ACTH et de cortisol en réponse à un stress. Plus l'ocytocine augmente, plus l'ACTH est inhibée. L'effet de l'ocytocine s'oppose à celui d'une autre hormone posthypophysaire, la vasopressine, ou ADH, qui stimule l'axe corticotrope. Cette approche doit être explorée plus avant mais elle ouvre d'ores et déjà des perspectives intéressantes dans le champ de la psycho-neuro-endocrinologie.

Un effet protecteur des oméga 3

Les glucocorticoïdes, dont la production est stimulée en cas de stress, modifient la prise alimentaire (Phanie)

Dès lors, il importe de savoir comment l'activation sympathique liée au stress peut influencer le métabolisme des aliments et si certains nutriments peuvent avoir un impact sur l'axe corticotrope.

Rappelons que l'hyperactivité sympathique est observée au cours d'une obésité viscérale ; le flux portal d'acides gras libres est augmenté, activant l'axe corticotrope. Cette hyperactivité sympathique favorise l'insulinorésistance et l'hypertension artérielle.

Les acides gras polyinsaturés de la série N-3 s'opposent aux anomalies observées dans le syndrome métabolique. Ils permettraient aussi de diminuer la réponse psychologique au stress (diminution de l'agressivité des étudiants en phase de préparation des examens). Des travaux ont montré que l'huile de poisson régule la réponse au stress mental en diminuant la réponse adrénergique et l'élévation du cortisol.

Les acides gras polyinsaturés, en particulier de la série N-3, ont également un impact chez les déprimés. Leur impact pourrait passer par des effets neurophysiologiques, notamment sur les voies sérotoninergiques et dopaminergiques.

Qu'en est-il du chocolat et du magnésium ?

Le chocolat a la réputation d'être un aliment antistress ; cette propriété est attribuée à la présence d'amines sympathomimétiques (comme la tyramine et la phényléthylamine) ou de méthylxantine (caféine, théobromine). En fait, seules la caféine et la théobromine peuvent atteindre le cerveau en quantité suffisante pour être psychoactives, alors que les amines sympathomimétiques, qui sont métabolisées par l'intestin et le foie, se trouvent en trop faible quantité au niveau du cerveau pour avoir un effet. Le rôle antistress du chocolat viendrait plutôt de sa composante psychosensorielle qui comble un besoin compulsif. Le chocolat n'est pas en lui-même une substance addictive, mais favorise les compulsions. Ses adeptes seraient « addicts » à une conduite alimentaire plus qu'à un produit.

Pour sa part, le magnésium intervient dans de nombreux métabolismes consommateurs d'énergie. D'après différentes enquêtes, dont Suvimax, plus de 70 % de la population auraient des apports inférieurs aux apports nutritionnels conseillés.

L'augmentation du niveau des catécholamines, des corticoïdes, des hormones thyroïdiennes et la réduction de l'insuline sont responsables d'une déperdition en magnésium. Par ailleurs, il est montré qu'un déficit en magnésium aggrave les effets du stress.

Au total, il est difficile d'individualiser des nutriments antistress ; toutefois, les oméga 3 et le magnésium paraissent intéressants de ce point de vue. Reste qu'une alimentation diversifiée, équilibrée et source de plaisir participe certainement à la prévention du stress quotidien.

Docteur Dominique BOUTE
D'après les communications de : J.-J. Legros, F. Rohner-Jeanrenaud, Pierre Astorg (Paris), Bernard Waysfeld (Paris), Jacques Delarue (Brest) et Alain Bertelot(Besançon), aux 5es Entretiens de nutrition de l'institut Pasteur de Lille.